Sur le site du Bas-Chantenay, l’immeuble nautisme est le premier maillon de la transformation de l’ancienne usine électrique. D’une superficie d’environ 6 000 m², il accueillera des entreprises innovantes dans un lieu hybride associant ateliers, espaces de bureaux et lieux de rencontre et de détente. Echange avec l’architecte Emilie Coulais, d’AIA Life Designers, en charge de la conception du bâtiment.
Pouvez-vous présenter AIA Life Designer, l’équipe Projet et votre méthode de création ?
AIA Life Designers est un collectif qui rassemble autour du projet l’ensemble des disciplines de la maitrise d’œuvre en plaçant le projet au centre sous le regard croisé de l’architecture, de l’ingénierie et de l’économie mais également de l’environnement du paysage et de l’architecture d’intérieur. Ce travail partagé s’inscrit dans une démarche, la Méthode Créative Commune, afin de formuler des réponses adaptées aux enjeux spécifiques de chaque projet. Des ateliers sont menés aux différentes phases de développement en mettant à contribution l’ensemble des acteurs et en y intégrant la maitrise d’ouvrage et les futurs utilisateurs afin de faire émerger les idées les plus adaptées et pertinentes. Une attention particulière est apportée à l’innovation et aux pratiques afin de répondre aux enjeux futurs et à l’évolution des usages.
Quelles ont été vos premières intentions architecturales ? Quelle relation le projet instaure-t-il avec La Loire et l’ancienne Usine électrique ?
Le site de l’ancienne Usine Electrique est singulier. Tout d’abord, singulier dans son caractère historique et patrimonial : il matérialise le développement industriel florissant du Bas Chantenay au début du XXème siècle avec un bâtiment monumental témoin des progrès promis grâce à l’électricité. Mais il est singulier également dans son orientation. En effet, alors que la majorité des bâtiments du quartier s’orientent perpendiculairement à la Loire, l’Usine Electrique, elle, décrit un volume en retrait et parallèle au fleuve. C’est dans une logique à la fois de respect et de confortement de ces singularités que nous avons souhaité inscrire l’immeuble nautisme. Il partage ainsi l’orientation parallèle à la Loire et et se dote d’un dispositif de halles perpendiculaires à un mail, avec deux nefs dont les pignons s’inscrivent dans la continuité de celui de l’usine électrique. Ce principe rythme l’espace entre la route et la Loire et dessine la vue vers le fleuve depuis l’accès au site.
Les espaces intérieurs seront articulés autour d’un grand espace de desserte verticale. Lieu d’appropriation et de rencontre, le bâtiment distingue physiquement les deux « nefs » qui sont aussi différenciées dans leur matérialité. Elles évoquent chacune un rapport propre à leur environnement. La halle Nord, faisant face à la masse ocre-rouge de l’usine électrique, en reprend la tonalité dans l’expression d’une volumétrie « pleine », monolithique, percée de baies tantôt apparentes, tantôt dissimulées. La halle Sud exprime, elle, l’ouverture sur le paysage ligérien, mettant en scène une façade largement transparente, et dont les éléments métalliques gris font écho à la chromatique du fleuve. Le projet opère ainsi, du nord vers le sud, un glissement du monde minéral au monde de l’eau, de la masse à la transparence.
Comment avez-vous répondu aux enjeux d’adaptabilité et d’évolutivité définis au programme ?
Le projet se décompose en deux parties distinctes : un socle accueillant des ateliers à vocation industrielle sur lequel reposent des plateaux de bureaux. Au niveau du socle, les grands vides destinés aux ateliers permettent d’accueillir une multitude d’activités avec peu de contraintes. Les niveaux supérieurs, eux, sont organisés en deux plateaux de bureaux, Nord et Sud, s’articulant autour d’un vide central desservant tout le bâtiment. Il faut préciser que l’hôtel d’entreprise est un bâtiment qui, par nature, est conçu pour accueillir des entreprises variées dans leurs usages, et indéfinies dans leur temporalité. Le projet intègre pleinement cette donnée en proposant des espaces évolutifs, capables de s’adapter aux besoins différents générés par le départ ou l’arrivée d’une entreprise. Chaque halle, Nord et Sud, forme ainsi un plateau libre aisément redivisible. Le rythme des ouvertures ainsi que les trames structurelles et de façade sont bâties sur un pas de 120 cm apte à s’adapter en cohérence avec l’ergonomie requise pour des bureaux tertiaires.
Le projet est pensé en relation avec le site et fait appel aux principes de la conception bioclimatique. Pouvez-vous nous développer les dispositions retenues pour chacune des différentes orientations ?
Une approche différenciée par façade a été retenue dans le traitement de l’enveloppe. L’orientation franche du bâtiment qui possède une façade exposée vers chaque point cardinal est ici un vrai atout. Cela permet de mettre en œuvre avec une efficacité accrue un ensemble de dispositifs adaptés à chaque exposition. Les systèmes passifs ont été privilégiés. La façade Sud dispose ainsi d’un long balcon filant qui constitue un brise soleil fixe efficace tout autant qu’un prolongement extérieur destiné aux usagers. La façade Est, ici moins sollicitée, dispose de vitrages à contrôle solaire adaptés. La façade ouest met en œuvre, en complément de la performance du vitrage, des lames brise – soleil verticales. La façade Nord, très peu exposée, ne nécessite, elle, aucun dispositif particulier. Par ailleurs, des stores intérieurs à faible émissivité équipent l’ensemble des fenêtres et murs rideaux, contribuant ainsi à réduire les apports solaires en été et à la mi-saison. A contrario, la conception des façades permet de capter en hiver les calories « gratuites » offertes par l’incidence solaire plus basse. Enfin, le dessin des façades, avec des ouvrants de ventilation protégés par une maille, permet de bénéficier en été du rafraîchissement nocturne : ces ouvrants protégés laissés ouverts la nuit permettent à la fraîcheur de pénétrer et d’être emmagasinée dans les planchers. Grâce à l’inertie des dalles, les frigories peuvent ainsi être restituées le lendemain.
Les systèmes mis en œuvre dans le bâtiment recherchent une forme de simplicité et de frugalité. Pouvez-vous nous développer votre démarche ?
Face aux enjeux actuels et futurs de la transition écologique et énergétique, chaque bâtiment se doit d’apporter une réponse pertinente et contribuer à minimiser son impact sur notre planète. En tant que concepteurs, il s’agit là d’un engagement mais aussi d’une motivation au quotidien. En l’occurrence, dans ce projet, le parti pris était de limiter le poids des systèmes installés et de favoriser les dispositifs passifs, en mettant en œuvre des solutions intégrées à l’architecture elle-même, dans une logique de low-tech. En ce sens, le projet recherche une forme de frugalité. Les matériaux ont été choisis pour leur résistance et leur pérennité et les systèmes techniques ajustés au mode de fonctionnement d’un hôtel d’entreprise, générant de faibles charges et peu de maintenance. Dans une logique de cohérence architecturale, l’idée est de créer une ambiance singulière en mettant en avant l’expressivité de matériaux laissés bruts. L’enjeu est donc de hiérarchiser les moyens employés, la valeur ajoutée devant se trouver dans les dispositifs architecturaux mis en œuvre (rapport à l’extérieur, lumière naturelle généreuse, spatialité attrayante…) davantage que dans la sophistication des matériaux. L’objectif, in fine, étant de retirer le superflu plutôt que d’ajouter. En somme, on pourrait dire qu’il s’agit de privilégier la matière grise plutôt que l’énergie grise…
Quelle est la performance environnementale attendue ?
La conception bioclimatique, la performance de l’enveloppe et des systèmes retenus ainsi que l’ensemble des dispositifs architecturaux permettent de justifier d’un niveau de performance équivalent RT 2012 -38% sur le CEPmax et de -19% sur le Bbio . Tout en restant en phase avec la vocation industrielle du bâtiment, l’emploi du bois a été possible pour la charpente du dernier niveau ainsi que pour tous les châssis isolés (façade Nord et pignons) qui sont mixtes bois-aluminium. En outre, les matériaux de second œuvre ont été sélectionnés pour leur faible émissivité en COV, dans une logique de conception orientée aussi vers le confort et le bien-être des utilisateurs. La frugalité dont fait preuve le bâtiment, tout en garantissant un niveau de confort élevé, nous semble aller dans le sens d’une construction vertueuse.
Quelles sont les démarches mises en œuvre, dans le cadre de votre conception, pour favoriser le bien-être au travail des futurs usagers ?
Simplicité et générosité ne sont pas nécessairement antinomiques. Une attention particulière a été portée pour placer l’usager au cœur de la conception. L’ambition était ici de créer un hôtel d’entreprise dans lequel les preneurs partagent davantage que la même adresse : il s’agissait de créer un lieu de travail propice aux rencontres, aux échanges et à la convivialité. Pour cela, nous avons souhaité mettre en relation visuelle et spatiale l’ensemble des niveaux au moyen d’un atrium se développant sur toute la profondeur du bâtiment. Cet espace abrite différents lieux de travail informels ou de détente qui s’insèrent dans cette promenade architecturale que constitue l’ascension de l’escalier. Au dernier niveau, des espaces partagés (réunion, cafétéria) complètent la dimension conviviale donnée à l’édifice. Comme nous l’avons décrit, le bâtiment s’appuie sur une conception bioclimatique qui contribue au confort thermique des lieux. Par ailleurs, l’ensemble des espaces a été pensé de sorte à bénéficier de lumière naturelle et à offrir un grand confort lumineux aux usagers. Les nombreuses ouvertures garantissent un prolongement visuel vers l’extérieur, mais aussi physique. En effet, les balcons filants en façade sud sont accessibles depuis les plateaux tertiaires. L’importance donnée à la relation vers l’extérieur se traduit également par les terrasses entourant les espaces partagés du dernier niveau. Conçu dans l’esprit d’une toiture habitée, il offre aux usagers le spectacle changeant de la Loire.